Chez mon boulanger
Chez mon boulanger
Un tour vite fait chez mon boulanger
Je veux prendre une baguette, juste une baguette !
J’arrive, il y a foule, il faut suivre la file
Je me mets aussitôt derrière un petit vieux de soixante dix ans environ
Mais le voici qui ronronne et change de place, se mettant hors de la file
Je me dis qu’il doit attendre quelqu’un ou quelque chose s’il s’efface ainsi
Mais voici qu’il commence à se boucher le nez, il dit que ça sent l’oignon
Oups la ! Je ne me sens pas viser car je n’ai pas touché à ce légume
De plus bel le petit vieux gesticule bizarrement et me pointe du doigt
« C’est lui, c’est lui, j’en suis sûr je vou’le dit, ça sent mauvais ces choses !
Ça sent mauvais ces choses !» avait-il repris le corps tremblant
Tout le monde se retourne, surpris par le remue- ménage d’un homme de cet âge
Moi toujours aussi calme, je reste interdit et machinalement j’invoque la terre pour qu’elle s’ouvre et que je m’y enfonce : la honte venait de saisir la mauvaise personne !
Je n’entendais que des oh…oh …indignés, et une Dame vola à mon secours
« Venez monsieur, ne croyez pas ce mensonge, c’est une vilaine personne ! »
Mon boulanger qui n’était pour rien se confondait en excuse, en me tendant une baguette !
Je n’avais même plus sorti un sou ! Ah que c’est triste, ce siècle de bric-à-brac… !
Ce siècle qui mille fois a fait retourner Martin Luther King, Malcom X et Gandy dans leurs tombes
Ce siècle qui à force de propagandes transforme la vérité en mensonge,
Ce siècle qui nous fait tolérer l’intolérable et met l’horreur sur des plateaux d’or
Siècle de bric-à-brac qui fabrique des moules, des catalogues et tue tout ce qui est différent. Siècle qui fait de l’homme un prêt-à-consommer, une chose mâcher, un homme des derniers temps, qui oublie l’Histoire, un Rien.
Siècle pourri pour lequel je suis né !